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Writer's pictureMathilde Burlion

La phobie des larves d’insectes n’est pas une fatalité

Updated: Nov 26, 2021

Petite, j’ai développé une phobie des chenilles. Je vivais dans une chambre mansardée avec des murs aux coloris clairs. S’y introduisait régulièrement une ou deux petites chenilles noires qui contrastaient bien avec les murs. Je les revisualise très bien, ces chenilles qui me traumatisaient par leur simple présence. Elles se rapprochaient invariablement du radiateur au dessous duquel elles se dandinaient. Au début ça m’a amusé puis petit à petit elles ont commencé à me faire peur. Sans raison. Je crois que c’était la récurrence du phénomène qui m’a fait développer une phobie au point de hurler qu’en voyais une et de ne plus vouloir ni pouvoir dormir dans cette chambre sans imaginer qu’une chenille géante aller me dévorer.

25 ans plus tard, j’élève des grands papillons dans un but pédagogique: apprendre aux enfants à les connaître, les aimer et les protéger. Oui, vous avez bien lu, j’élève des chenilles!

Quand je regarde le chemin que j’ai parcouru de la phobie à l’élevage je suis émerveillée.

Que s’est-il passé? Apprendre à connaître et à gérer ces larves d’insectes peut permettre de passer de la peur et du dégoût à la prise en charge voir à l’émerveillement et peut-être même qui sait pour certaines larves… à l’amour


I) Une prise de conscience qui pousse à l’action

Monarque: larve et adulte. La larve de monarque se nourrit exclusivement de milkweed. Planter du milkweed contribue à la préservation de l'habitat de cet extraordinaire papillon qui migrateur de la côte est des US qui passe l'hiver... au Mexique.



Comment vous sentez-vous quand une nouvelle vous apprend que la vie est menacée quelque part?

Certes, on ne peut pas vraiment répondre à cette question sans savoir de quelle forme de vie on parle et sans la mettre en rapport aux autres formes de vies.

Pour ma part, je suis particulièrement sensible quand un contexte rend vulnérable une espèce qui rentre déjà dans la catégorie des espèces menacées parce que je me sens reliée à cette forme vie. S’agit-il d’un corail dans les Maldives détruit par la création d’une île artificielle, je suis triste et en colère pour la vie menacée de ce corail. Alors vous allez me dire que je n’ai pas finit d’être triste et en colère, certes mais le fruit, c’est que ces sentiments me donnent une force pour moi-même me mettre en action et agir.

Mais revenons à nos moutons et ma première action fut d’accueillir: accueillir la vie en observant et en apprenant qui sont les différents êtres vivants au jardin, quels sont leurs besoins et leurs produits, leurs atouts et leurs points faibles et surtout, quelles sont les relations qu’ils entretiennent avec les autres formes de vie autour d’eux (symbiose, parasitisme…)


II) Observer et comprendre

Black swallowtail: larve et adulte, la larve change régulièrement d'aspect.


J’ai donc commencé à regarder les chenilles comme des êtres vivants à part entière avec un cycle de vie qui leur est propre (le stade larval n’est qu’une étape dans la vie d’un insecte), des besoins comme manger de la verdure, et tant d’autres aspects: leur capacité à se camoufler, à servir de nourriture aux oiseaux, à manger d’autres insectes… J’ai découvert un monde à part entière dans mon jardin.

Hervé Coves nous dit: « La vie est belle! ». Cet ingénieur agronome ne cesse de nous apprendre par ces travaux de recherche que la vie de chaque être vivant à un sens et qu’il vaut la peine de s’arrêter et d’essayer de comprendre. Ici si vous voulez comprendre les principes de la permaculture en action, je vous recommande n’importe laquelle de ses vidéos.

Observer et comprendre le pourquoi d’un insecte dans le cycle de vie de la nature qui se déroule sous nos yeux permet de l’apprivoiser. On passe d’un rapport purement émotionnel à un rapport que je qualifierai de « raisonnable ».

Je me suis formée en jardinage biologique. Cette formation a été le creuset de ma rencontre avec bon nombre d’insectes aux intérêts parfois complètement incompatibles avec les miens.


III) Réalité

Maintenant capable d’observer et connaissant mieux le rôle de certains insectes, de certaines plantes, de mon sol, je peux réellement devenir « gérant » de mon jardin. Mes valeurs me guident dans mes choix.

Deux espèces de papillons voient leur habitat menacé par manque de plantes qui les nourrissent: les monarques et les swallowtail. Ca m’a conduite à souhaiter voir leur population augmenter et de fil en aiguille. Je les ai donc élevés dans un milieu protégé. J’ai cultivé du milkweed pour les chenilles de monarques et du persil et des carottes pour les swallowtail.

Prendre soin de ces animaux m’a fait les apprivoiser et les aimer. A l’instar du Petit Prince de d’Antoine de St Exupéry et de sa rose, mes chenilles n’étaient pas n’importe quelles chenilles, elles étaient uniques car ce sont elles que j’ai nourries, dont j’ai nettoyé la cage et qui se sont métamorphosées en papillons sous les yeux ébahis de mes enfants qui les ont laissés s’envoler pour leur long voyage jusqu’au Mexique. Oui je peux réellement dire que j’ai aimé ces chenilles!

Mon souhait de nourrir ma famille avec un maximum de légumes du jardin m’a fait écraser un bon nombre de larves et d’insectes qui parasitaient mes plantes potagères.

Certaines espèces d’insectes sont invasives. C’est à dire qu’elles sont arrivées par erreur dans un éco-système qui n’est pas capable de les réguler naturellement. Elles peuvent détruire cet éco-système. J’ai aussi beaucoup écrasés ces insectes.

Au début écraser les insectes et leurs larves me mettait mal à l’aise. A force de répéter ce geste, en une saison j’ai été capable de le faire à mains nues! Cela dit je ne suis pas encore prête à les manger ahah.


Pieris rapae: ce papillon blanc natif d'Europe et une espèce invasive aux US. En Europe comme aux US sa larve mange avec appétit les feuilles de choux.


Ainsi je dirais que j’ai réglé ma « phobie des chenilles » en les apprivoisant. Je les ai apprivoisées par un chemin en trois étapes: une prise de conscience écologique, un temps d’étude et d’apprentissage sur la question et enfin une confrontation à la réalité de mon jardin potager dans laquelle j’ai joué mon rôle de gérant.

Je suis persuadée que l’éducation est un excellent levier pour lutter contre la phobie et c’est pour cela que j’ai créé un atelier pour enfants sur les chenilles. Il s’intitule « The very hungry caterpillar ». Au cours de cet atelier, nous reprenons l’histoire du cycle de vie d’un papillon. Grâce à l’élevage, les enfants peuvent observer chaque étape du cycle en réel et ça leur laisse un souvenir dont ils parlent pendant longtemps.


Cet article participe à l’évènement « Ma relation avec les animaux », organisé par le blog Ma médiation animale que j’ai beaucoup apprécié pour son article sur l'entrepreneuriat. Vous aurez également l’occasion de découvrir d’autres articles sur le thème de la zoothérapie si cela vous intéresse.

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